5 février 2007

Programme national de gouvernance et lutte contre la corruption

La lettre du mois
février 2006

PROGRAMME NATIONAL DE GOUVERNANCE,
PROGRAMME NATIONAL DE GOUVERNANCE REVISE
ET LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Le Programme national de gouvernance dans lequel la lutte contre la corruption était inscrite en lettres d’or a montré ses limites. Il vient d’être remplacé par le Programme National de Gouvernance Révisé qui n’est qu’un PNG relooké. Ce lifting est-il de nature à assurer un meilleur sort à la lutte déclarée contre la corruption au Cameroun? Rien n’est moins sûr.
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S’agissant de la corruption, rien, absolument rien ne permet aujourd’hui d’affirmer avec certitude qu’une volonté politique ferme existe pour l’atténuer, à défaut de l’éradiquer. Des signaux contradictoires ont en effet été émis sur cette question en direction de l’opinion tant nationale qu’internationale pour ne pas entretenir quelques doutes sur la question. On veut pourtant bien croire à la volonté proclamée du gouvernement de la République qui vient d’engager sa énième campagne de sensibilisation dans le cadre de la lutte contre la corruption. Là où le bât blesse, c'est qu'il ne donne pas lui-même le bon exemple qu’on est en droit d’en attendre. Ses membres les plus éminents ne sont pas exempts des pratiques qui consistent à confondre caisses de l'État et comptes personnels. A preuve, ces châteaux qui sortent de terre dans nos cités comme des champignons, au nez et à la barbe du peuple. Encore qu’il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg. Notre pétrole, nos forêts, nos mines, nos administrations, les entreprises et les marchés publics sont gérés dans la plus grande opacité, pire que des épiceries.
Comment comprendre les difficultés liées à la signature du décret d’application de l’article 66 de la constitution du 18 janvier 1996 qui fait obligation à tous ceux qui sollicitent une charge publique de déclarer leurs biens sinon comme une volonté de dissimulation de la richesse mal acquise, un soutien objectif à la corruption, aux détournements et à toutes sortes de malversations. Quel crédit accorder dans ce contexte à l’Observatoire de Lutte contre la Corruption, au Comité Ad Hoc, aux Cellules Ministérielles de Lutte contre la Corruption, à la Chambre des Comptes qui vient effectivement d’être activée ou l’Agence Nationale d’Investigation Financière créée par le Chef de l’Etat le 31 mai 2005? A quoi a servi jusqu’ici le Contrôle Supérieur de l’Etat ?

L’impunité dont bénéficient les auteurs d’actes de corruption et de malversation dans notre pays est tout simplement effarante. Et qu’on n’aille pas évoquer les sanctions alibis infligées de temps en temps à quelques individus pour donner l’impression que quelque chose se passe chez nous sur le terrain de la lutte contre la corruption. Les cas Edzoa Titus, Engo Désiré, Mounchipou Seydou, etc., la révocation plus récente des magistrats Djonko et Pongo et quelques autres décisions de même nature ne peuvent en aucun cas être excipés comme des preuves d’une volonté réelle de lutter contre la corruption. Dans le cadre de la dynamique sociale et du changement des mœurs en effet, une sanction n’a de portée dissuasive que lorsqu’elle est prévisible par les agents. C’est cet élément de prévisibilité qui manque aux cas que nous avons cités. En d’autres termes, pour que des sanctions produisent l’effet de dissuasion escompté, elles ne doivent pas être à tête chercheuse ; elles ne doivent pas s’appliquer sporadiquement et à quelques-uns seulement ; la probabilité de leur occurrence surtout doit être très élevée. Des sanctions qui s’appliquent de temps en temps dans un but de propagande sont inefficaces dans la mesure où les corrompus adoptent généralement un comportement probabiliste : tant que le risque d’être inculpé et sanctionné reste faible, tant que les chances de passer entre les mailles du filet restent grandes comme c’est actuellement le cas au Cameroun, les corrupteurs et les corrompus peuvent continuer à pêcher dans les eaux troubles des combines et trafics de toutes sortes. Dans une société où la lutte contre la corruption n’est pas systématisée, ceux qui sont sanctionnés ne peuvent se considérer que comme des malchanceux, des victimes d’un coup du sort ou d’un règlement de compte politique ou administratif. Et cela est vrai : une justice qui ne s’applique qu’à quelques-uns est injuste.

Les poissons ne peuvent pas voter un budget pour l’achat des hameçons. A notre avis, seule une implication forte du Chef de l’Etat lui-même et de la société civile dans la lutte contre la corruption serait en mesure d’améliorer notre classement sur les tablettes de Transparency International. Les prérequis, la forme et les stratégies d’une telle implication restent cependant du domaine du débat. La sagesse populaire affirme en effet qu’on ne peut être à la fois juge et parti. Et comme le soulignait en son temps Me Akéré Muna, alors bâtonnier de l'Ordre des avocats et membre du Comité ad hoc, « les poissons ne peuvent pas voter un budget pour l'achat des hameçons ». En clair, il semble difficile de demander aux principaux acteurs et bénéficiaires de la corruption de lutter contre celle-ci.
Demander à l’administration de lutter contre la corruption, c’est lui demander de se faire hara-kiri et le Chef de l’Etat l’a compris ; d’où les atermoiements observés, d’où cette stratégie hésitante et velléitaire d’une lutte dont on élève l’intensité par petits crans successifs alors qu’il s’agit de saisir à bras le corps l’hydre de la corruption qui sape notre économie, pervertit nos mœurs et compromet l’avenir de notre jeunesse. Comment comprendre ces prescriptions à doses homéopathiques pour venir à bout de la corruption, ce sida social, alors qu’il s’agit de lui livrer une lutte à mort, dans un combat implacable, définitif, sans quartiers et sans merci. A la vérité, la lutte contre la corruption se devrait d’être hardie, totale, systématique, et non pas timorée, veule, comme à contre cœur.

Otombita Neville Chamberlain
Psychologue du travail
Secrétaire Général de Voies Nouvelles

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