7 février 2007

La corruption:un déni des droits de l'homme

La lettre du mois
décembre 2006

LA CORRUPTION : UN DENI DES DROITS DE L’HOMME

Les journées du 9 et 10 décembre ont été respectivement consacrées Journée de la lutte contre la Corruption et Journée des Droits de l’Homme. La proximité calendaire de ces deux thématiques ne nous semble pas fortuite. Elle vient nous rappeler, très opportunément, que la corruption constitue un véritable déni des droits de l’Homme.

Et de fait, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 établissait déjà, en son temps, un lien de sujétion fort entre la corruption et les Droits de l’Homme. Dans son préambule, ce document fondateur des rapports entre les citoyens, l’Etat et la Loi dispose en effet que « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ».
L’une des manifestations les plus courantes de la corruption au Cameroun est celle qui tend à priver le citoyen de son droit à jouir du service public. Comme l’a prouvé une enquête réalisée par Voies Nouvelles en avril et mai 2006 , il s’agit d’une privation par la violence et l’arbitraire. Par des voies détournées et des pressions de toute nature, les agents de l’administration en arrivent à contraindre illégalement les usagers à acheter une prestation qui leur est normalement due. Et là où la seule qualité d’Homme et de Citoyen aurait suffi, la corruption introduit un facteur superfétatoire qui tend à opérer une discrimination par l’argent, le sexe, l’entregent, etc. Or la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen dispose clairement que tous les citoyens, étant égaux aux yeux de la loi, « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». L’étude menée en 2005 par AGAGES, IMCS, SEP et VIPOD dans le cadre du programme Concerter Pluri-acteurs sur les cellules ministérielles de lutte contre la de notre administration a dû se résoudre, malheureusement, à conclure à l’inefficacité de ces structures.
Autre forme de corruption, autre cas de figure de déni des Droits de l’Homme : celle qui prive les citoyens, généralement les plus pauvres, d’une bonne partie des ressources affectées par l’Etat à leur bien-être. Selon Christol Georges Manon, alors Président de l'Observatoire de lutte contre la Corruption, pas moins de 40% des recettes enregistrées chaque année seraient détournées par des bandits à cols blancs dont nous commençons tout juste à entrevoir la capacité de nuisance depuis que quelques-uns d’entre eux, une infime minorité, fait l’objet de poursuites judiciaires dans le cadre de l’opération « Epervier » notamment. C’est dire que pour un budget équilibré en recettes et en dépenses à 2251 milliards comme c’est le cas pour le budget de l’Etat 2007, ce sont plus de 900 milliards qui seraient détournés par des particuliers pour leur seul profit! Dans l’exemple pris, 40%, c’est nettement plus que les 726 milliards attendus de l’ensemble des recettes pétrolières ; c’est juste un peu moins du double de ce qui est prévu comme ensemble des dépenses de personnel (479 milliards) et presque le quadruple de ce qui est attendu comme apport des partenaires extérieurs (231 milliards). 900 milliards, c’est la somme qu’il faudrait pour construire 106 000 salles de classe, acheter 25 millions de tables- bancs (de quoi équiper 1000 salles de classe !), aménager plus de 1.600 000 latrines et autant de points d’eau !
Relevons, pour terminer, que les détournements ne sont eux-mêmes rendus possibles qu’à la faveur du déni du droit républicain à l’information et à la participation du citoyen. La corruption ne s’est en effet jamais accommodée de la lumière et de la transparence. Et dans ce domaine qui emprunte ses méthodes à la mafia en effet, nul doute qu’il vaille mieux maintenir le citoyen dans l’ignorance de ses droits, le priver de l’information pertinente et le tenir à l’écart de tous les mécanismes de vérification et de contrôle de l’usage qui est fait des fonds publics pour multiplier ses chances de détourner en toute impunité. Une expérience ougandaise a démontré qu’une meilleure circulation de l’information, une participation plus accrue des populations à la réalisation des projets et l’obligation faite aux gouvernants de rendre compte pouvaient faire chuter drastiquement le pourcentage des fonds publics détournés. Au Cameroun, il faut malheureusement constater que les populations ne sont véritablement associées ni à l’élaboration, ni au contrôle de l’exécution du budget qui reste une affaire de « spécialistes ». Les choses se sont passées jusqu’ici dans notre pays comme si certains n’avaient pas leur mot à dire même dans la gestion des affaires locales. D’autres se sont arrogés le droit de dire et de faire ce qui est bon pour eux. Assurément, les Droits de l’Homme ne peuvent s’accommoder d’une telle distribution inégalitaire et inique des rôles ; Dynamique Citoyenne non plus.

BEFIDI Jeanne Marie- Bernard

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