22 février 2007

Dans les eaux troubles des associations des parents d'élèves



La lettre du mois
février 2007

DANS LES EAUX TROUBLES DES ASSOCIATIONS DES PARENTS D’ELEVES.

Instrumentalisées par l’administration, des moyens financiers importants, un statut juridique boiteux, des objectifs flous, un mode de recrutement autoritaire, un fonctionnement et une gestion opaques, etc. Au sens de la loi, les associations des parents d’élèves sont tout…sauf des associations !

Commençons par leur mode de recrutement pour dire que l’image qui nous vient tout de suite à l’esprit est celle, honnie et lugubre, de Mobutu Sese Seko Kuku Mbgnendu Wa Za Banga de l’ex – Zaïre. Ce dictateur de triste mémoire se plaisait à répéter à ses compatriotes qu’ils étaient tous membre du MPR( ), qu’ils le veuillent ou non». Au Cameroun de M. Paul Biya aussi, qu’on le veuille ou non, on est membre de l’Association des Parents d’Elèves de l’établissement fréquenté par sa progéniture. Il s’agit d’une adhésion mécanique, obligatoire, autoritaire, formellement constatée par le payement forcé de cotisations décidées arbitrairement et à votre insu à chaque rentrée scolaire. Aucun parent d’élève ne peut se soustraire à ce « devoir civique » dont dépend l’inscription ou la réinscription dans les établissements scolaires. On ne peut en effet s’acquitter des frais d’inscription et de scolarité proprement dits tant que les cotisations dues à l’Association des Parents d’Elèves n’ont pas été payées. Et autant d’enfants, autant de passages à la caisse. Or, le principe fondamental de toute association digne de ce nom est l’adhésion volontaire de ses membres. Il faut malheureusement se résoudre à constater que les APE foulent allègrement ce principe de base aux pieds. A cause de cela, elles s’exposent à ne pas être considérées comme des associations démocratiques. Et de fait, les APE ne sont pas des associations démocratiques. Elles ne sont pas des associations tout court au sens de la loi n°90 – 053 du 19 décembre sur la liberté d’association, même si leur utilité est par ailleurs avérée.

Ce qui est aujourd’hui connu sous la dénomination Associations des Parents d’Elèves, APE en abrégé, avait été institutionnalisé sous l’appellation Association des Parents d’Elèves et d’Enseignants (APEE) par arrêté interministériel n° 242/L 729/MINEDUC, MJS du 25 octobre 1979. Ces structures se donnaient alors pour mission :
  • d’assurer l’encadrement et le suivi des élèves ;
  • de contribuer au suivi des enseignants et à l’amélioration des conditions de travail de ces derniers ;
  • de contribuer à la résolution de tout conflit lié à l’école (entre parents, enfants, chef d’établissement, enseignants) ;
  • d’instaurer une solidarité de proximité (organisation de l’entraide scolaire, aide à la scolarisation des enfants démunis, amélioration des conditions de travail et de logement des enseignants, approvisionnement de la pharmacie scolaire, désenclavement de l’accès à l’école, etc.) ;
  • de contribuer à la réalisation d’activités post et périscolaires à caractère éducatif (activités sportives et socioculturelles, transmission du patrimoine culturel, causeries éducatives, colonies de vacances, cantines scolaires, etc.) ;
  • de contribuer au développement et à l’entretien du patrimoine de l’école (bâtiments, mobilier, manuels scolaires, matériels pédagogiques, etc.) ;
  • de contribuer au développement d’un environnement scolaire sain : latrines, point d’eau potable, salubrité, contrôle des aliments vendus aux élèves, plantations et environnement, etc.

Tous ceux qui ont cependant eu à s’intéresser un tant soit peu aux APE sont invariablement arrivés à la conclusion qu’elles ne servent qu’à capter les fonds nécessaires au fonctionnement des établissements scolaires. Cette fonction d’organe de soutien, de béquille financière des établissements scolaires a aujourd’hui largement supplanté la fonction originelle d’animation pédagogique qui était dévolue aux APEE. L’éclipse du volet pédagogique des APEE s’est elle- même traduite par la minimisation, voire l’annulation du rôle et de la place des enseignants dans les APEE. Dès lors, celles-ci sont devenues des APE. Dans une interview parue dans Cameroon Tribune du 23 janvier 2007, Nicodème Akoa Akoa, directeur de l’Enseignement Secondaire Général au Ministère des Enseignements Secondaires, confirme que les APE sont nées de la volonté des parents d’accompagner l’école. Pour ce haut responsable en effet, il s’agit de regroupements à vocation essentiellement pédagogique conçus comme des cadres de concertation entre les parents et les enseignants. Force est cependant de constater avec lui que l’APE a été « déviée de cette vocation initiale pour devenir un organe d’appui financier au fonctionnement de l’établissement». C’est en effet aux Associations des Parents d’Elèves qu’il revient généralement de payer le personnel d’appui (vacataires, gardiens) et au-delà de cette mission, il leur est demandé de répondre à toute sollicitation du chef d’établissement en fonction de l’importance de leurs moyens financiers: construction de clôtures ou de salles de classe, achat de tables – bancs ou d’ordinateurs, etc.

L’importance des moyens financiers de l’APE ? On ne peut en juger qu’à l’occasion des scandales de gestion qui sont légions dans ces cercles quasi-maffieux. En cette année 2006 – 2007, on signale des détournements de l’ordre de 10 millions au lycée de Nkol-Eton, 17 millions au lycée de la Cité Verte et…50 millions au lycée d’Elig-Essono ! Et comment s’étonner de ces détournements lorsqu’on sait que la formation et le fonctionnement des bureaux des APE deviennent « une affaire très compliquée entre le chef d’établissement et une bande d’amis », à en croire Evangeline Juri Hiryenkla, « membre » désabusé d’une association des parents d’élèves de Yaoundé. Pour cet autre « membre » d’APE cité par Cameroon Tribune, « sur 10 élections des bureaux d’APE, 8 sont faussées. On sait d’avance qui est président du bureau. Les jeux sont arrangés à la base »

BEFIDI Jeanne Marie- Bernard

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