5 février 2007

Nos routes plus sûres en 2006

La lettre du mois
janvier 2006

Nos routes plus sûres en 2006 ?

On ne peut vraiment pas dire que nos routes aient été particulièrement sûres en cette année 2005 qui vient de s’achever. Qu’en sera-t-il de 2006 ?

L’année 2005 nous aura donné l’occasion d’épiloguer sur le phénomène des coupeurs de route. Et il y en a de tout poil. Il y a ceux qui coupent les routes pour dépouiller leurs victimes et coupent collatéralement des têtes à l’occasion. Il y a aussi ceux qui coupent les routes avec les moyens de l’Etat pour « manger » mille francs. Il arrive que ceux là aussi sortent leurs armes sans sourciller pour décaler des vies. Il y a enfin ceux qui croient devoir se passer des règles du code de la route ou de simple bon sens et qui sont responsables de nombreux accidents dont on connaît par ailleurs le triste bilan au plan humain.
On ne peut dès lors que se féliciter de ce que le problème de l’insécurité sur nos routes soit pris très au sérieux par les différentes administrations. Et parmi les initiatives prises par le gouvernement de la République pour sécuriser nos déplacements, les campagnes de prévention routière restent les plus visibles. A celles – ci s’ajoutent la création et la mise en service de centres de contrôle technique, un entretien routier plus soutenu depuis la création d’un fonds routier, la présence de forces de l’ordre qui semblent, par la force des choses, penser un peu plus à la sécurité des usagers de la route et à la fluidité de la circulation qu’à leur gombo. Toutefois, devant les exactions qui se poursuivent sur nos routes et les accidents qui continuent à endeuiller nos familles, on est en droit de s’interroger sur l’efficacité de cette batterie de mesures. Et la question reste posée, grave, angoissante, lancinante et douloureuse mais pertinente : nos routes sont-elles plus sûres aujourd’hui ? Le seront – elles davantage demain ?
Bien malin pourtant, celui qui pourra répondre à cette question en connaissance de cause et en toute objectivité. Le phénomène des hommes en tenue qui coupent les routes et établissent des péages qui ne disent pas leur nom pour arnaquer les honnêtes citoyens avec les moyens de l’Etat est pratiquement observable par tous et partout ; je doute cependant qu’il ait fait l’objet d’une étude scientifique et systématique. S’agissant du phénomène des coupeurs de route proprement dit et des accidents de la route, on peut présumer que des statistiques existent mais, ces statistiques demandent à être analysées, interprétées, commentées et discutées avec méthode, rigueur et pertinence. L’action gouvernementale ne prévoit malheureusement pas toujours la réalisation de bilans systématiques pour juger de l’adéquation des solutions qui sont proposées pour résoudre les problèmes qui se posent à nos cités. Lorsque de tels bilans sont faits, ils ne sont ni réguliers, ni publiés, ni corroborés par une source indépendante, la société civile par exemple, pour la production d’une information comparative, objective, éloignée de toute propagande et non sujette à caution. L’habitude de discuter publiquement des problèmes de la cité n’a pas encore véritablement pris racine chez nous ; c’est à se demander à quoi servent nos partis politiques !
Qui donc peut aujourd’hui se vanter d’être en mesure de faire un bilan réaliste des campagnes de prévention routière qui ont cours chez nous depuis plusieurs années. Malgré les campagnes de sensibilisation, malgré les campagnes de répression, malgré la présence des forces dites de l’ordre, malgré l’annonce d’une mise en service velléitaire d’éthylotests et de radars, malgré le contrôle technique qui est limité aujourd’hui aux villes de Yaoundé et Douala etc., chaque jour qui passe apporte son cortège de décès et de malheurs dus aux accidents de la route. Qui pourraient s’en étonner ?
Telles qu’elles sont pratiquées, on ne peut raisonnablement pas s’attendre à une très grande efficacité des campagnes de prévention routière. Leur caractère à la fois intermittent, sporadique et routinier ;leur manque de créativité évident, le fait que les principales cibles à savoir, les propriétaires et les conducteurs de véhicules, les passagers, les forces de l’ordre, les gestionnaires de nos différentes agences de voyages ainsi que des gares routières, etc., n’y soient pas associées, l’absence d’appropriation des mots d’ordre de ces campagnes par ces principales parties, le contexte de corruption généralisée dans lequel ces campagnes se déroulent sont autant de facteurs limitants de leur efficacité.
Quelles garanties nous apportent quant à eux les contrôles techniques lorsqu’on sait par ailleurs que la plupart des véhicules qui roulent sur nos divers axes routiers nous arrivent précisément parce que la sévérité des contrôles techniques dans leur pays d’origine leur interdit de circuler dans ces contrées. Comment accorder une confiance aveugle aux contrôles techniques lorsqu’on sait qu’ils ne vérifient que quelques organes et équipements. Or tout, dans un véhicule, tout disons nous, participe à la sécurité, y compris les éléments de confort tels que les amortisseurs dont l’importance pour l’équilibre du véhicule n’est plus à démontrer. Ce que l’on ne dit pas, c’est que le contrôle technique ne renseigne pas sur l’usure de l’embrayage, de la boîte de vitesses, de la courroie de transmission ou de l’alternateur. Rien non plus n’est dit sur les défauts et vices cachés. De fait, même lorsqu’il est « OK », le contrôle technique n’est pas la garantie d’une voiture irréprochable, loin s’en faut. Dans des pays comme la France ou la Belgique, il atteste seulement que le véhicule remplit certaines conditions de sécurité et de dépollution. 133 points sont vérifiés là-bas; combien le sont chez nous ?
Le problème de la sécurité ne peut en aucun cas être séparé de celui de la fiabilité du matériel roulant et, tant que la question de l’approvisionnement de notre marché en pièces détachées fiables n’aura pas trouvé de réponse adéquate, le contrôle technique ne pourra pas apporter une contribution appréciable au problème de la sécurité routière dans notre pays. Quel propriétaire d’«occasion de Belgique » n’a vécu la triste expérience de plaquettes qui se décollent deux jours à peine après leur achat chez nos amis « biafrais », des nécessaires de maître cylindre de frein qui rendent l’âme dans le même intervalle de temps indiqué quand ce n’est pas moins. Je n’ose pas aborder ici la question de l’approvisionnement en pneus et chambres à air ! Où achetons-nous nos pneus et quels pneus achetons- nous ?
Il faudra bien qu’un jour, les représentants du peuple et nos gouvernants se saisissent de la question cruciale de l’envahissement de notre marché par des pièces de rechange dont le manque de fiabilité patent met la vie des camerounais en danger. Ce qui se fait dans le domaine du médicament doit également être fait dans celui de la qualité des pièces de rechange automobiles. On l’a dit et redit : « le moins cher coûte cher ».Cet adage se vérifie encore beaucoup plus dans le domaine de l’entretien automobile. Une « économie » de 1.000 francs peut nous coûter la vie. Loin de moi toutefois l’idée de jeter les pauvres automobilistes - dont la plupart ne roule précisément pas carrosse - dans les bras de concessionnaires véreux qui se ménagent des marges bénéficiaires usuraires. Entre des pièces de rechange bon marché et peu fiables et des pièces de qualité acceptable vendues à des prix prohibitifs, un moyen terme doit pouvoir être trouvé. Et cette tâche ne peut être laissée aux seuls opérateurs économiques !
Disons aussi tout de suite que la qualité des pièces de rechange n’est pas le seul facteur important qui réduit l’impact des contrôles techniques dans la survenue des accidents de la route. L’état de notre infrastructure routière est aujourd’hui tel que des pièces, à l’exemple des amortisseurs, des silent blocs, des rotules, etc., n’atteignent jamais la durée de vie prévue par le fabricant. Certaines de nos routes sont en effet tellement ravinées et cabossées, tellement crevassées et bosselées qu’elles ressemblent beaucoup plus à des paysages lunaires qu’à des espaces aménagés pour la circulation automobile, et cela même au cœur des villes de Yaoundé et Douala !
S’agissant des coupeurs de route qui sévissait surtout dans le septentrion et qui ont aujourd’hui la fâcheuse tendance à élargir leur champ d’action sur l’ensemble du territoire national, nous ne pouvons que nous féliciter de ce qu’une meilleure collaboration entre les forces de l’ordre et les populations ait abouti ces dernier temps à l’arrestation d’un certain nombre de ces bandits de grand chemin (Vous avez dit coupeurs de route n’est ce pas?) dans plusieurs localités du pays.
Ce qu’il faut relever ici c’est que, avant d’être une condition du développement, la sécurité du citoyen doit être recherchée pour elle – même dans la mesure où elle demeure la justification première du contrat social. Il ne fait donc point de doute que des moyens supplémentaires tant au plan humain que logistique, matériel et financier devront pouvoir être dégagés en 2006 pour que la lutte contre les coupeurs de route atteigne sa vitesse de croisière. La sécurité sur nos axes routiers est à ce prix, le développement de notre tourisme voire le développement tout court aussi, sans parler de notre classement peu élogieux à Transparency International.
Des routes sûres sont un indice de bonne gouvernance. Monsieur Edgard Alain Mebe Ngo l’a en tout cas bien compris, lui qui semble décidé à nettoyer les écuries d’Augias de la police camerounaise. Réussira-t-il son pari ? Rien n’est moins sûr, tant les habitudes ont la peau dure en matière de corruption. Reconnaissons lui cependant le mérite d’avoir essayé de ramener le comportement de notre police à l’orthodoxie. Les routes continuent certes à être barrées et les chauffeurs rançonnés et rackettés. Il faut cependant avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il y a de moins en moins de barrières fixes sur les axes qui relient nos villes et villages le jour et que les taximen respirent un peu mieux à cette période de la journée. De ce côté aussi, le combat doit se poursuivre. Les moyens à mettre en œuvre ici tenant plus de la volonté politique et de l’intelligence tactique et managériale que du matériel et du financier, la partie semble plus facile à gagner. Il n’en est cependant rien. On peut même affirmer que les choses sont plus difficiles et plus compliquées qu’il n’y paraît, tant les intérêts en jeu sont à la fois plus importants, plus diffus, plus confus, les habitudes plus vieilles, les réseaux plus enracinés et mieux huilés. Le phénomène des coupeurs de route est en effet limité à quelques individus ou groupes d’individus, celui de la corruption de la police et de la gendarmerie touche des pans entiers des corps les plus importants de notre société. Les usagers de la route ont aussi été conditionnés à jouer le jeu malsain des hommes en tenue. On va faire comment n’est ce pas ? Qui plus est, si les coupeurs de route ont toutes nos forces de police et de gendarmerie à leurs trousses, on peut se poser la question de savoir qui traque ces hommes en tenue, eux qui sévissent sur nos routes à longueur de journée avec armes, munitions et véhicules achetées par le contribuable : une police des polices fantôme peut être ?

Otombita Neville Chamberlain

Aucun commentaire: