7 février 2007

Article 66 de la constitution:les textes d'application entretiennent le dilatoire

La lettre du mois
avril 2006


ARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION : LES TEXTES D’APPLICATION ENTRETIENNENT LE DILATOIRE

10 ans après l’entrée en vigueur de la Constitution du 18 janvier 1996, son fameux article 66 vient donc de faire l’objet d’un texte d’application : la loi n° 003/2006 du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs vient en effet d’être promulguée par le Président de la République… 10 ans après ! Cette loi n’est cependant pas encore applicable faute de… décrets d’application.

La non application de l’article 66 de la constitution du 18 janvier 1996 avait fini par symboliser à elle toute seule l’attitude velléitaire et hésitante du gouvernement de M. Paul BIYA en matière de lutte contre la corruption. On comprend dès lors l’acharnement et la vigueur dont les organisations de la société civile ont fait preuve pour dénoncer la mise sous le boisseau d’une disposition pourtant pertinente de la loi fondamentale, une mise sous le boisseau en contradiction flagrante avec le discours officiel qui est celui d’une lutte tous azimuts contre la corruption : Dynamique Citoyenne, lors de ses journées de mobilisation contre la corruption et pour le respect des droits de l’Homme les 9 et 10 décembre 2005 ; SEP, AGAGES, VIPOD, IMCS, le 16 janvier 2006 lors de l’atelier de restitution de l’étude portant évaluation indépendante des Cellules Ministérielles de Lutte Contre la Corruption ; Voies Nouvelles dans ses « Lettres du Mois », notamment celles de février et mars 2006… Il n’y a pas jusqu’à M. Niels MARQUARDT, l’ambassadeur des Etats –Unis, qui ne soit sorti de ses gonds diplomatiques pour joindre sa voix à toutes celles qui s’élevaient avec véhémence contre la non application de l’article 66. C’était le 19 janvier 2006, au cours d’une conférence de presse tenue à la Maison de la Communication à Yaoundé.
La loi relative à la déclaration des biens et avoirs qui vient donc d’être promulguée par le Président de la République vise un très large éventail de personnalités. L’obligation de déclaration concerne l’ensemble du patrimoine : biens meubles, immeubles, corporels et incorporels, qu’ils se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur du Cameroun, avantages divers…Seuls sont exemptés de déclaration les articles ménagers et les effets personnels. La déclaration se fait devant une commission de 9 membres dénommée « Commission de Déclaration des Biens et Avoirs » dans des conditions de confidentialité, voire de secret très strictes. A la prise de fonction, le déclarant dispose d’un délai maximum de 120 jours pour déclarer ses biens et avoirs (90 jours pour la déclaration proprement dite et 30jours pour apporter d’éventuels compléments d’information). A la fin du mandat ou de la fonction, ce délai passe à 90 jours (60 jours pour la déclaration et 30 jours pour d’éventuels compléments). Lorsque la Commission constate un enrichissement non justifié du déclarant, elle peut engager des transactions avec le mis en cause en vue de rétablir l’Etat dans ses droits. La saisine de la justice n’intervient que lorsque la transaction n’a pas été acceptée. Dans ce cas, la Commission en réfère préalablement au Président de la République.
En définitive, si la loi ainsi promulguée a le mérite d’exister malgré son caractère perfectible, on ne peut manquer de regretter que l’article 66 ne soit toujours pas applicable. Il faut encore attendre d’éventuels décrets du Président de la République qui viendraient « préciser en tant que de besoin », selon la formule consacrée, les modalités d’application d’une loi prise elle-même en application d’une autre loi. Et Dieu seul sait le temps que tout cela peut encore durer : quelques semaines, des mois, des années peut-être ? A moins d’un renvoi pur et simple aux calendes grecques ! Une telle hypothèse ne relève d’ailleurs pas de la simple spéculation ou de l’impossibilité (impossible n’est pas camerounais n’est-ce pas ?). On dénombre en effet quantité de lois dans notre arsenal juridique qui n’ont jamais été appliquées… faute de textes d’application. On peut même aller jusqu’à affirmer que dans notre pays, certaines lois sont cyniquement pensées pour ne pas être appliquées. Ceux qui nous gouvernent usent et abusent précisément de l’arme fatale du texte d’application pour créer et entretenir indéfiniment le dilatoire. La question se pose donc : à quand la déclaration effective des biens et avoirs au Cameroun ? Question subsidiaire : pourquoi un gouvernement promulgue-t-il des lois qu’il ne peut ou ne veut pas appliquer ? Qu’on en soit encore aujourd’hui à se poser ces questions au sujet de l’article 66 ne peut qu’inciter les organisations de la société civile camerounaise à ne pas baisser la garde. Le seul mot d’ordre reste donc : vigilance et mobilisation. On est ensemble !

Otombita Neville Chamberlain
Secrétaire Général de Voies Nouvelles
Consultant AGAGES MANAGEMENT CONSULTANTS

Aucun commentaire: